Étant comme vous simple patiente, donc utilisatrice de soins, je lis et j’entends depuis des mois ce que les médecins généralistes expriment concernant la douloureuse mutation de leur belle profession … Politiquement, culturellement, socialement, économiquement, et même psychologiquement parlant, tout a été écrit sur ce phénomène. Mais aujourd’hui j’ai envie de m’adresser à vous, patients qui visitez le site d’Exmed. Je ne sais pas si vous êtes nombreux, peut-être même est-ce la première fois que vous naviguez par ici … mais vous rendez-vous compte que nous risquons de perdre nos « médecins de famille » ? Peut-être pas nous les adultes, mais nos enfants et nos petits-enfants.
Arrêtons-nous un instant et réfléchissons à la place qu’a le médecin de famille dans notre vie, vous savez ? Cet être humain formé durant de nombreuses années à nous soigner, premier acteur de santé évoluant au cœur même de notre vie jusque dans notre intimité, réceptacle de nos souffrances individuelles et familiales, repère ultime des grandes solitudes et pivot dans nombre de misères sans fond. Est-il là simplement pour nous ausculter et nous prescrire des médicaments ou bien nous aide-t-il aussi à grimper les marches successives de nos existences ? Nos maladies, nos deuils, nos soucis, qu’ils soient petits ou grands, n’est-ce pas avec lui que nous les abordons et n’est-ce pas dans ses mains que nous remettons nos corps fatigués et parfois épuisés ?
Qui mieux que le médecin de famille peut aussi complètement percevoir notre fonctionnement personnel qui est souvent le meilleur indicateur de la thérapie à appliquer lorsque la maladie survient ?
Qui mieux que lui est plus apte à dédramatiser et à nous redonner confiance lorsque notre santé chancelle ?
Certes il nous est demandé de nous adapter et d’accepter la nouvelle logique - illogique - de soins. Mais s’adapter ne veut pas dire être sans réaction et soumis. Nous pouvons écrire, parler, donner notre avis. Où ? Partout où il nous est donné l’occasion de le faire, et, entre autre Internet offre de grandes ouvertures à l’expression libre. Sur Exmed par exemple, le forum est ouvert à tous … mais les patients qui s’expriment se comptent sur les doigts d’une main. Pourquoi ? Est-ce par timidité ou par peur d’oser écrire ce que nous ressentons ? Soignants et soignés nous sommes tous des humains, et n’oublions pas qu’un soignant est aussi un soigné avec ses difficultés personnelles, tout comme nous.
La seule différence entre lui et nous, c’est que lui a passé de longues années de sa jeunesse à acquérir des connaissances médicales pour soigner d’autres humains. Ensuite il passe le reste de sa vie de travail à apprendre à NOUS connaître pour mieux nous soigner. Ce n’est pas rien ça ! Être « Médecin du Vivant » est une science à part entière, et il est impensable de devoir nous en passer un jour.
Hélas les acteurs politiques semblent ne plus avoir conscience de ce que représentent réellement les médecins généralistes pour notre Société. Pourtant eux aussi les consultent, eux aussi sont malades dans leur corps et dans leur existence, eux aussi leur confient leurs douleurs … alors pourquoi font-ils tout à présent pour que cette médecine-là disparaisse ? Pourquoi au contraire ne favorisent-ils pas cette spécificité qui prend en compte la globalité existentielle du patient - et non seulement ses organes - à une époque ou les souffrances humaines sont tellement criantes ?
Pourquoi n’existerait-il pas pour les étudiants en médecine des cours de « Médecine du Vivant » qui apporteraient une autre image de la médecine générale ? Pourquoi l’Etat ne donnerait-il pas à ceux qui font ce choix la possibilité d’exercer cette médecine-là dans de bonnes conditions ? Pourquoi ne pas reconnaître l’importance de leur rôle dans notre société malade ? Enfin, pourquoi ne pas inciter les étudiants à participer à la promotion d’une meilleure médecine, plus proche de l’être humain et destinée à rendre celui-ci plus sain et plus heureux ?
Peu à peu l’Etat veut reléguer le médecin généraliste à un rôle de tri et de filtration comme le ferait un rein dans un organisme, alors qu’il est, et devrait rester, le poumon qui donne l’oxygène aux habitants d’un pays.
|