Le système social français dans son ensemble est un bateau ivre. La santé n'est qu'un des éléments du désastre dans lequel les technocrates et leurs visions théoriques douteuses nous ont poussé .
Nos prétendues élites se sont données à elles-même le pouvoir et même la mission de penser pour tout le monde. C'est leur principal travers... Dans leur paradigme social (1), ils ont défini leur vision de l'intérêt général. Ils supportent mal que des << clercs >> leur résistent. Ils ne supportent pas l'idée que certaines notions et certaines pratiques leur échappent et puissent se libérer de leur contrôle. A ce titre, le prétendu << pouvoir médical >> constitue une épine particulièrement << irritative >> pour nos énarques.
D'une certaine façon, la technostructure administrative a voulu s'emparer d'un << pouvoir médical >> gênant ses ambitions. Nous pouvons apprécier aujourd'hui ce qu'il en ont fait.
L'idéologie, qui a fait de la santé un Droit alors que ce n'est, en fait, qu'une chance, a fait naître l'idée fallacieuse de gratuité des soins
L'idée que tous les français riches ou pauvres, cotisants ou non, aient droit à tous les soins possibles et imaginables n'a eu aucune difficulté à se répandre dans une population qui, étant assujettie socialement, se croyait à l'abri de tout besoin de santé pour toute l'éternité.
Restait à trouver le financement adéquat (2) de cet objectif ambitieux. Ce qui n'a JAMAIS été fait depuis 1945 ! La notion de dérapage des dépenses, née de l'insuffisance chronique de financement, a fini par pourrir définitivement les relations déjà intrinsèquement difficiles entre les pouvoirs politiques et les médecins .
Les médecins présentés comme des nantis ,des profiteurs , des prescripteurs inutiles et incompétents - voire comme des bandits - ont fini par ne plus adhérer à un système médico-social qui leur manque totalement de respect.
Au point que faire huit à quinze ans d'études supérieures pour connaître une réussite sociale de moins en moins évidente, et de plus en plus tardive, et se faire agresser par des cuistres de médecins contrôleurs revanchards, des patients quérulents procéduriers et leurs avocats , cela n'attire plus grand monde.
Reste à savoir si on va pouvoir résoudre le problème avec ceux qui sont directement responsables de ce fiasco : les gestionnaires de la caisse nationale d'assurance-maladie , les énarques, les politiciens viscéralement hostiles aux médecins, les prétendus économistes de la santé qui délirent depuis trente ans et une population qui pense à tort être solvable devant toute demande médicale.
Le médecin n'est ni un magicien, ni un génie, ni un curé, ni une bonne soeur. Ce n'est ni un saint ni un démon, c'est un humain qui, nanti d'un savoir en fait minuscule, essaye de faire ce qu'il peut avec les moyens dont il dispose.
Le rôle du politique est de lui donner les moyens d'exécuter sa mission. La carence de moyens pousse les responsables a définir eux -mêmes les missions médicales, et à entrer ainsi directement en conflit avec les professionnels.
Pour des raisons de basse politique et pour nier la carence de moyens,les technocrates de la CNAM ( la sécurité sociale) et ceux du ministère veulent apparaître comme les défenseurs des assujettis sociaux face aux médecins supposés s'enrichir sur le dos des assurés.
Comment les médecins pourraient-ils accepter cette caricature ?
La population doit se rendre compte que la santé lui coûte déjà cher et que cela va s'aggraver dans l'avenir. La prévoyance individuelle doit donc, au minimum, épauler la prévoyance collective, voire s'y substituer. Cela vaut d'ailleurs pour la santé comme pour toutes les prestations sociales, dont les retraites.
Vivre de plus en plus vieux en étant payé est déjà une gageure. En en venant à un retraité pour un actif, il n'y aura que des victimes de la retraite par répartition, et aucun bénéficiaire de la solidarité entre générations. Vieillir malade ne fera qu'alourdir encore l'addition.
Ceux qui voulaient répartir vont devoir compenser... sans mettre à bas l'économie entière. Vaste programme.
Alors comme dirait Jacques Attali << tous ruinés dans dix ans >> ? ou tous enfin conscients des problèmes ?
J'ai donc une seule suggestion pour l'avenir : décidons-nous à dire la vérité aux Français en ce qui concerne leurs prestations sociales en tous genres et en matière de santé en particulier.
De plus en plus assujettis et de moins en moins assurés, ainsi voguent les patients et leur thérapeutes dans un bateau solidaire à la dérive commandé par des aveugles, propulsé par des rameurs chétifs et dont les voiles percées sont gonflées par le vent mauvais de l'idéologie collectiviste qui ne dit pas son nom. Enfin il faudra bien se décider à faire appel à des assureurs maladie solvables pour faire face à l'explosion de l'offre et de la demande médicale .
Pour qu'il y ait des médecins demain, il faudra qu'ils récupèrent leur statut, leur réussite sociale correspondant à leur investissement personnel, ainsi que le pouvoir médical qui leur a été inutilement volé par des administratifs et des technocrates de la santé incapables de l'exercer eux-mêmes.
A force de ne plus être ce qu'ils étaient les médecins ont fini par devenir ce que l'Assurance maladie, les patients et les ministres de la santé successifs ont fait d'eux .
Si l'image du médecin ne satisfait pas les dignitaires du système, les thuriféraires de l'assurance collectivisée dite solidaire et les parangons de la sécu, il faut qu'ils se rendent compte qu'elle leur renvoie une image d'eux-mêmes. Où sont le dévouement, l'altruisme, l'amour de la science, l'objectivité devant les faits, dans notre société où chacun s'évertue à vivre au dépens de tout le monde, et ou on cherche à monnayer les épidémies (H1N1....), le CO2 ,l'écologie, la vitesse pas toujours excessive des véhicules, de la même façon que le vice, la pornographie, l'alcool et le tabac ?
Tout à un << prix qu'il faut percevoir absolument >> et de la façon la plus massive possible.
Dans un monde idiot, tout le monde finit par le devenir. Comment les médecins pourraient-ils échapper à ce triste destin, autrement que par un retour URGENT à leurs valeurs traditionnelles ? La déférence, l'obéissance ? << Oui mais >>, vis à vis de quelle autorité et pour quoi faire ? Ainsi se pose le problème entre les médecins et leur prétendue tutelle
Restaurer les bases de la confiance, celles de la conscience en renforçant celles des compétences, ne constitue pas une option idéologique, juste pour faire joli dans un discours.
Car ce sont les valeurs fondamentales de la vocation de médecin.
.(1) ndlr : un paradigme est une représentation du monde.
Plus de détails à http://fr.wikipedia.org/wiki/Paradigme
-(2) ndlr : un financement adéquat est simplement celui qui équilibrerait les recettes et les dépenses sans recours possible au déficit
Note de la rédaction :
Ce texte nous est parvenu en réponse à la LEM 666 Pour avoir encore des médecins demain ( F-M Michaut ). L'analyse systémique sans concession du système de financement des dépenses de maladie qu'il nous propose met en accusation le dogme sur lequel est fondé tout notre système de soins à la française. Pour ne pas parler d'un tour de passe-passe soigneusement tu depuis 1945.
A notre connaissance, cela semble constituer un sujet tellement tabou que nous n'entendons guère de voix, y compris dans les milieux médicaux, politiques ou intellectuels de toutes les orientations, oser aborder cette réflexion. Le débat est donc ouvert. Mais savons-nous encore vraiment débattre dans le contexte actuel ?
C'est la rédaction qui a choisi l'illustration de Cécile Bour, montrant sans détour, comme l'aurait fait le docteur François Rabelais, combien le trou de la sécu fait partie de l'anatomie constitutive de notre vieille dame.
Cette lettre illustre l'article 4 de notre Charte d'Hippocrate. Lien : http://www.exmed.org/archives08/circu532.html repris ci-dessous :
- 4°) Je résisterai aux pressions extérieures qui me détourneraient de ma fonction, et je resterai avec objectivité du côté de la personne malade.
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