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Chacun se souvient de la naissance d'Internet comme d'un système inventé par la société américaine Arpa pour relier entre eux, et à partir de n'importe quel ordinateur, des centres de commandement éloignés géographiquement. Cet Arpanet, ce fut son nom militaire initial, fut partagé dès le départ (1969) avec des universitaires californiens ( Los Angeles, Stanford, Santa Barbara) qui y virent un moyen extraordinaire de pouvoir entretenir des échanges d'information à distance avec leurs pairs .
L'idée d'un système d'échanges d'information ne respectant pas un ordre pyramidal sur le modèle d'un central téléphonique, mais adoptant la morphologie d'une toile ( la Toile) d'araignée mondiale, le fameux web ( traduction en anglais) était lancé. Et avec quel succès pour ce qui est devenu au niveau planétaire l'indispensable Réseau des réseaux.
La technologie a autorisé la mis en place de ce que les penseurs des années 1980 dirent être « les autoroutes de l'information». Rien de bien surprenant que cette possibilité fort peu onéreuse de toucher directement chez eux des millions de gens ait été prise d'assaut par les marchands de toute nature : des plus sérieux aux plus voyous.
Pas étonnant, non plus, de constater la tentative d'appropriation de ce continent neuf des « nouvelles techniques de communication et de l'information» (NTCI) par toutes nos institutions, des plus importantes aux plus en mal de vitrine pour se faire connaitre.
Le plus extraordinaire, c'est que le grand public, et avec un appétit stupéfiant de la part de ses sujets les plus âgés, s'est emparé de ce moyen de communication d'une puissance et d'une rapidité de diffusion telles que nous n'en avions jamais connues. Le brave Gutemberg avec sa machine à imprimer la Bible a pris un grand coup de vieux.
Tout simplement parce que la communication ne se fait plus dans un sens unique, d'un émetteur-éditeur vers un lecteur-récepteur. Droit de réponse, cela change tout = l'échange possible, l'aller et retour, devient la nouvelle norme.
Le cortex cérébral de chacun de nous constitue un immense réseau de 100 milliards de neurones (1), chacun ayant sa propre individualité physiologique fixée autour de son noyau, sa «vie personnelle» génétique, mais relié à un gigantesque réseau de connexions dans toute la substance blanche sous jacente et en direction de tous nos organes.
Il n'est pas sans intérêt de remarquer que notre encéphale, bien à l'abri dans sa boîte osseuse, dispose d'une triple enveloppe méningée. La plus proche du cortex, celle qui amène l'indispensable flux sanguin nourricier porte le nom d'arachnoïde. La même image de la toile d'araignée.
Perdons un instant à imaginer que chacun de nous, au niveau de l'humanité, fonctionne sur le même modèle d'organisation qu'un de ces neurones. Bon, d'accord, c'est approximatif, nous ne sommes pas encore 100 milliards sur la terre !
La technique permet désormais que chacun de ces «êtres-humains neuronaux» envoie et reçoive, instantanément et où qu'il vive, des données informatives de n'importe lequel des autres «êtres-humains neuronaux». L'influx nerveux de l'information peut circuler librement dans tous les sens.
Cela conduit-il à un chaos, comme le disent ceux qui affirment courtement que trop d'information tue l'information ? Il est trop facile de fustiger les détournements inévitables de toute méthode de communication avec les autres pour conclure qu'il n'y a rien de nouveau sous le soleil, si ce n'est une inflation de toutes les déviances humaines.
Que chacun ouvre simplement les yeux sur ce qui se passe de plus concret en ce moment dans le monde, et en particulier autour du bassin de la Méditerranée. Regarder les faits, laisser un instant de côté les commentaires.
Près de nous, en Italie, devant ce qu'ils jugent comme une dérive de leur gouvernement et devant la faible crédibilité des oppositions politiques, des internautes ont créé et développé simplement en échangeant entre eux le «parti violet» qui se fait maintenant entendre dans les lieux publics.
Que des peuples entiers, éloignés les uns des autres, se sentent désormais assez concernés et forts de leur conscience d'être des personnes dont la vie doit être respectée, descendent sans leader en tête dans les rues et osent parler en leur nom propre : ça c'est nouveau.
Des couvercles qu'on pensait indéboulonnables sautent comme des bouchons de champagne, pendant que nos experts pataugent misérablement en tentant leur jeu habituel de prévision d'un avenir qu'ils ne savent penser autrement que comme la projection du passé connu.
Plus que jamais encore, nous ne pouvons que nous sentir des citoyens du monde. Car, désormais, tout ce que nous faisons, bien ou mal, tout ce que nous observons, tout ce que nous échangeons vient nourrir, donc influencer de façon infinitésimale, ce que d'autres font, observent, échangent ailleurs. Une dynamique qui dépasse chacun de nous, et échappe à tous les pouvoirs constitués ( ce dont ils ne sont pas encore capables de prendre conscience à temps) est en route. Le premier réflexe actuel d'un régime menacé n'est-il pas de couper l'Internet et de chasser les journalistes ? Trop tard. La machine du grand cerveau planétaire en train de se constituer est désormais en route. Cela nous repousse probablement très loin de ce que nous connaissons déjà dans nos civilisations fondées sur la fragmentation des savoirs et des pouvoirs.
L'homo connectivus que j'ai déjà évoqué ici en 2009 (2) est bien en marche : les faits d'actualité le prouvent. Chacun de nous est un rouage actif de cette réalité encore inconnue qui se fait peu à peu à chaque instant. Sachons au moins l'observer et éviter le ridicule et, plus grave encore, la perte d'énergie, de jugements fondés sur l'histoire d'une époque déjà révolue à jamais.
Alors, connectivement vôtre pour la marche vers notre hominisation à parfaire ?
Rférences
(1)Encyclopédie Wikipedia http://fr.wikipedia.org/wiki/Neurone
2) Michaut F-M., Homo connectivus LEM 583 http://www.exmed.org/archives09/circu583.html
NDA : Cette perspective n'a absolument rien à voir avec une éventuelle "intelligence artificielle" née de la machine elle-même. Les sommes considérables consacrées à la recherche dans ce domaine dans la dernière décennie l'ont été en pure perte.
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