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 N° 467
 
 
 
    9 octobre 2006
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
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Bien pire que le tabac, les phtalates

Docteur Françoise Dencuff lui écrire

Tout a commencé par la réception d’une pétition bizarrement intitulée : Oui aux soins sans DEHP ni PVC, émanant du Centre National d’Information Indépendante sur les Déchets (CNIID, www.cniid.org). Ce courriel venant du Comité de développement durable en santé (C2DS) placé sous le haut patronage du Ministère de la Santé, j’ai voulu en savoir plus.
Je n’imaginais pas dans quel guêpier j’allais plonger. Une énième redite du fameux scandale de l’amiante ou de l’interdiction de notre pauvre bouillie bordelaise qui faisait trop d’ombre à Monsanto ?
Et dire que les ondes sont envahies par les spots anti fumeurs… Quand je vous disais que les politiques sont passés maîtres dans l’art de la tauromachie…on agite un chiffon rouge de la main gauche et on vous passe une épée dans le corps avec la droite.

retrouver la confiance

Première étape, s’informer. Les phtalates (DEHP, DBP, BBP, DIDP, DINP, DIPP) sont des plastifiants du polychlorure de vinyle (PVC) auquel ils confèrent sa flexibilité. Ils se retrouvent donc dans la presque totalité des articles en PVC : profilés, anneaux de dentition,ballons, nappes, tuyaux, rideaux de douche, imperméables, colles, lubrifiants, fils et câblages, dallages, couvertures plastifiées…. Bien que biodégradables ils sont hydrophobes et passent dans les sédiments où ils persistent. On les trouve aussi dans les aliments du fait de leur migration à partir des emballages. (Source INRS, Institut National de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles, www.inrs.fr)
Toujours d’après ce fameux institut, quand nous arrivons à l’étude des risques nous apprenons que malgré une absorption pulmonaire, digestive et cutanée (plus lente), les rongeurs ont plus de risques que les primates car ils absorbent mieux les phtalates (sous forme de mono esters) et leur administration répétée chez nos amis à quatre pattes a des effets sur le foie, les rein et le système reproducteur mâle. Une exposition à long terme (mois, années) entraîne des tumeurs hépatiques.
Mais, se basant sur le fait que chez l’homme l’exposition aux phtalates ne produit pas de peroxysomes intracellulaires, le Centre International de recherche sur le Cancer (CIRC) conclut que le mécanisme d’apparition des tumeurs hépatiques chez les rongeurs n’est pas transposable à l’homme !

restaurer la conscience

Pas transposable à l’homme nous jure-t-on ? Ah bon. Et pourtant depuis 1997, la Commission européenne a adopté une décision (1999/815/CE) prévoyant l’interdiction provisoire de l’utilisation de 6 phtalates (DINP, DEHP, DBP, DIDP, DNOP, BBP) dans les jouets et les articles de puériculture en plastique souple destinés à être portés à la bouche. Décision prolongée jusqu’en février 2004 et toujours en discussion. Les risques officiellement reconnus par le groupe de travail européen portent sur la fertilité et la grossesse.
C’est par un biais étonnant que l’attention sur ces produits a été relancée en 2002 : « Trois associations américaines de consommateurs lancent un cri d’alarme. De nombreux cosmétiques contiendraient des phtalates ». (www.doctissimo.fr). La législation en matière de cosmétiques en France comme ailleurs est plus que laxiste puisque les études de surveillance de l’Afssaps ( agence française de sécurité sanitaire des produits de santé) dépendent du bon vouloir des industriels...
L’affaire se corse avec la dénonciation de la présence de phtalates et plus particulièrement du DEHP dans les matériels médicaux comme par exemple les poches de sang ! Et la présence de phtalates dans le sang transfusé.
Pourtant un vaste projet européen, le projet REACH voulait évaluer les risques de 30.000 substances chimiques. En effet la commission avait calculé qu'en éliminant les plus dangereuses nous pourrions faire 40 milliards € d'économie en dépenses de santé. Mais les grands groupes industriels ont des arguments financiers percutants et brandissent immédiatement le spectre de la mise au chômage de leurs salariés.

renforcer la compétence

Si nous suivons bien le raisonnement de nos grands administrateurs, il n’y a aucun danger mais ouvrons le parapluie et interdisons les phtalates pour les tétines des bébés. Comme toujours nous voilà devant un parterre de grands courageux. Et ils s’appuient sans vergogne sur les travaux des scientifiques qui, bien entendu, sont contradictoires puisque trop souvent juges et parties.
Alors qui croire ? Peut-on laisser la Faucheuse moissonner tranquillement durant de nombreuses années encore sans nous émouvoir ? Beaucoup de nos frères humains ont payé l’inconséquence des industriels et des politiques : les scandales de l’amiante, du sang contaminé, les boues toxiques, la dioxine, les engrais…et maintenant les phtalates.
Une de mes patientes s’étonnait avant-hier du nombre de cancers autour d’elle. Peut-on vraiment s’en étonner ? Je ne le pense pas, nous jouons depuis des décennies aux apprentis sorciers en oubliant que nous serons certainement les premières victimes de nos sales tours…
Depuis 1984, notre confrère le Pr Belpomme, cancérologue, se bat pour faire reconnaître les conditions environnementales du cancer (http://www.artac.info)
Nous sommes en pleine campagne pour les présidentielles (et oui, le pouvoir ça vous excite déjà le petit monde politico-médiatique parisien), les candidats s’agitent en nous promettant la sécurité, le plein emploi, le beurre, l’argent du beurre et la fille du laitier. Ils oublient que pour profiter des lendemains enchanteurs qu’ils nous préparent, la santé est prioritaire, pour eux aussi d’ailleurs, à moins que dans leur mégalomanie ils ne se croient immortels. Pire encore, plus de morts égale automatiquement moins de chômage, moins de délinquance et plus de sous pour les survivants. Le premier ministre de Grande Bretagne a été épinglé car bien que défendant bec et ongle Big Pharma, il fait soigner ses enfants par un homéopathe!
Bref, pas d’inquiétude à avoir, cela fera bientôt 10 ans que la Commission Européenne statue sur le cas phtalates. Il aura fallu pratiquement 100 ans pour l’amiante.
Si comme moi vous en avez assez que l’on nous fasse prendre des vessies pour des lanternes (sinon on s’brûle comme disait Pierre Dac), parlez-en et vérifiez lorsque vous êtes hospitalisés que l’établissement prend en compte les risques liés au DEHP. Les réactions sont surprenantes et à défaut d’être correctement pris en charge, vous partirez au bloc en riant devant les têtes effarées de vos interlocuteurs !
Puisque la peur est un argument politique puissant, essayons à notre tour de nous en servir.
PS: Pour celles et ceux qui désirent en savoir plus, le site de Greenpeace Canada consacre toute une page aux problèmes liés au PVC. Celui ci est un polluant majeur compte tenu des émissions de dioxine que dégagent sa production et sa combustion. Le scandale réside surtout dans le fait qu'il est facilement remplaçable.

 


Pour ceux qui ne connaissent pas encore notre Charte d’Hippocrate.

Lien : http://www.exmed.org/archives08/circu532.html




Os court :« Le pouvoir est une maladie psychique. »
Otar Iossolani, cinéaste géorgien


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