Tout a
commencé par la réception dune pétition
bizarrement intitulée : Oui aux soins sans DEHP
ni PVC, émanant du Centre National dInformation
Indépendante sur les Déchets (CNIID, www.cniid.org).
Ce courriel venant du Comité de développement
durable en santé (C2DS) placé sous le
haut patronage du Ministère de la Santé,
jai voulu en savoir plus.
Je nimaginais pas dans quel guêpier jallais
plonger. Une énième redite du fameux scandale
de lamiante ou de linterdiction de notre
pauvre bouillie bordelaise qui faisait trop dombre
à Monsanto ?
Et dire que les ondes sont envahies par les spots anti
fumeurs
Quand je vous disais que les politiques
sont passés maîtres dans lart de
la tauromachie
on agite un chiffon rouge de la
main gauche et on vous passe une épée
dans le corps avec la droite.
Première
étape, sinformer. Les phtalates (DEHP,
DBP, BBP, DIDP, DINP, DIPP) sont des plastifiants du
polychlorure de vinyle (PVC) auquel ils confèrent
sa flexibilité. Ils se retrouvent donc dans la
presque totalité des articles en PVC : profilés,
anneaux de dentition,ballons, nappes, tuyaux, rideaux
de douche, imperméables, colles, lubrifiants,
fils et câblages, dallages, couvertures plastifiées
.
Bien que biodégradables ils sont hydrophobes
et passent dans les sédiments où ils persistent.
On les trouve aussi dans les aliments du fait de leur
migration à partir des emballages. (Source INRS,
Institut National de recherche et de sécurité
pour la prévention des accidents du travail et
des maladies professionnelles, www.inrs.fr)
Toujours daprès ce fameux institut, quand
nous arrivons à létude des risques
nous apprenons que malgré une absorption pulmonaire,
digestive et cutanée (plus lente), les rongeurs
ont plus de risques que les primates car ils absorbent
mieux les phtalates (sous forme de mono esters) et leur
administration répétée chez nos
amis à quatre pattes a des effets sur le foie,
les rein et le système reproducteur mâle.
Une exposition à long terme (mois, années)
entraîne des tumeurs hépatiques.
Mais, se basant sur le fait que chez lhomme lexposition
aux phtalates ne produit pas de peroxysomes intracellulaires,
le Centre International de recherche sur le Cancer (CIRC)
conclut que le mécanisme dapparition des
tumeurs hépatiques chez les rongeurs nest
pas transposable à lhomme !
Pas
transposable à lhomme nous jure-t-on ?
Ah bon. Et pourtant depuis 1997, la Commission européenne
a adopté une décision (1999/815/CE) prévoyant
linterdiction provisoire de lutilisation
de 6 phtalates (DINP, DEHP, DBP, DIDP, DNOP, BBP) dans
les jouets et les articles de puériculture en
plastique souple destinés à être
portés à la bouche. Décision prolongée
jusquen février 2004 et toujours en discussion.
Les risques officiellement reconnus par le groupe de
travail européen portent sur la fertilité
et la grossesse.
Cest par un biais étonnant que lattention
sur ces produits a été relancée
en 2002 : « Trois associations américaines
de consommateurs lancent un cri dalarme. De nombreux
cosmétiques contiendraient des phtalates ».
(www.doctissimo.fr). La législation en matière
de cosmétiques en France comme ailleurs est plus
que laxiste puisque les études de surveillance
de lAfssaps ( agence française de sécurité
sanitaire des produits de santé) dépendent
du bon vouloir des industriels...
Laffaire se corse avec la dénonciation
de la présence de phtalates et plus particulièrement
du DEHP dans les matériels médicaux comme
par exemple les poches de sang ! Et la présence
de phtalates dans le sang transfusé.
Pourtant un vaste projet européen, le projet
REACH voulait évaluer les risques de 30.000 substances
chimiques. En effet la commission avait calculé
qu'en éliminant les plus dangereuses nous pourrions
faire 40 milliards € d'économie en dépenses
de santé. Mais les grands groupes industriels
ont des arguments financiers percutants et brandissent
immédiatement le spectre de la mise au chômage
de leurs salariés.
Si
nous suivons bien le raisonnement de nos grands administrateurs,
il ny a aucun danger mais ouvrons le parapluie
et interdisons les phtalates pour les tétines
des bébés. Comme toujours nous voilà
devant un parterre de grands courageux. Et ils sappuient
sans vergogne sur les travaux des scientifiques qui,
bien entendu, sont contradictoires puisque trop souvent
juges et parties.
Alors qui croire ? Peut-on laisser la Faucheuse moissonner
tranquillement durant de nombreuses années encore
sans nous émouvoir ? Beaucoup de nos frères
humains ont payé linconséquence
des industriels et des politiques : les scandales de
lamiante, du sang contaminé, les boues
toxiques, la dioxine, les engrais
et maintenant
les phtalates.
Une de mes patientes sétonnait avant-hier
du nombre de cancers autour delle. Peut-on vraiment
sen étonner ? Je ne le pense pas, nous
jouons depuis des décennies aux apprentis sorciers
en oubliant que nous serons certainement les premières
victimes de nos sales tours
Depuis 1984, notre confrère le Pr Belpomme, cancérologue,
se bat pour faire reconnaître les conditions environnementales
du cancer (http://www.artac.info)
Nous sommes en pleine campagne pour les présidentielles
(et oui, le pouvoir ça vous excite déjà
le petit monde politico-médiatique parisien),
les candidats sagitent en nous promettant la sécurité,
le plein emploi, le beurre, largent du beurre
et la fille du laitier. Ils oublient que pour profiter
des lendemains enchanteurs quils nous préparent,
la santé est prioritaire, pour eux aussi dailleurs,
à moins que dans leur mégalomanie ils
ne se croient immortels. Pire encore, plus de morts
égale automatiquement moins de chômage,
moins de délinquance et plus de sous pour les
survivants. Le premier ministre de Grande Bretagne a
été épinglé car bien que
défendant bec et ongle Big Pharma, il fait soigner
ses enfants par un homéopathe!
Bref, pas dinquiétude à avoir, cela
fera bientôt 10 ans que la Commission Européenne
statue sur le cas phtalates. Il aura fallu pratiquement
100 ans pour lamiante.
Si comme moi vous en avez assez que lon nous fasse
prendre des vessies pour des lanternes (sinon on sbrûle
comme disait Pierre Dac), parlez-en et vérifiez
lorsque vous êtes hospitalisés que létablissement
prend en compte les risques liés au DEHP. Les
réactions sont surprenantes et à défaut
dêtre correctement pris en charge, vous
partirez au bloc en riant devant les têtes effarées
de vos interlocuteurs !
Puisque la peur est un argument politique puissant,
essayons à notre tour de nous en servir.
PS: Pour celles et ceux qui désirent en savoir
plus, le site de Greenpeace Canada consacre toute une
page aux problèmes liés au PVC. Celui
ci est un polluant majeur compte tenu des émissions
de dioxine que dégagent sa production et sa combustion.
Le scandale réside surtout dans le fait qu'il
est facilement remplaçable.
|