xLLNe sachant quelle pièce coudre à la raréfaction des praticiens les plus au contact des populations, l’idée a été lancée de créer de nouveaux métiers destinés à aider dans leur travail les médecins généralistes. L’un de ceux-ci serait celui, si j’ai bien compris ce qu’en a relaté la presse nationale, de conseiller de santé. J’entendrais plutôt conseilleur de maladie.
Alors, une petite formation au catéchisme hygiéniste et à la bien pensance médicale tels que les conçoivent les autorités politiques et l’assureur maladie obligatoire avec leurs alliés mutualo-associatifs, et on envoie dans les campagnes de braves gens prêcher la bonne parole parce que les médecins n’ont plus assez de temps pour le faire avec leurs patients?
C’est avoir une idée bien courte de la place et du rôle du conseil dans l’acte clinique, de ses indications, de ses contre-indications, de ses effets pervers ou même toxiques.
xLLLLa parole du médecin - en fait de chaque médecin avec chacun de ses interlocuteurs et même au cours de chaque rencontre, est tout sauf neutre, interchangeable et standardisable. Si ce n’est pas le cas, le plus souvent, en cas d’hospitalisation ou de recours au spécialiste, le patient s’approprie le praticien auquel il fait appel. Il est courant d’entendre tel ou tel malade de parler de << son médecin >>. Un lien fort s’établit, pouvant même s’étaler sur deux ou trois générations. Il est fondé sur une denrée très périssable, et bien rare dans un monde où presque tout se sait, se répète et se juge. Cela se nomme la confiance : la foi - mot très fort, quasi religieux - qu’on met en une personne qu’on connaît.
Contrairement à des tâches purement administratives ou strictement techniques, cette confiance, ce fragile état de confiance sans lequel aucun acte thérapeutique de qualité ne peut exister s’il n’est pas bilatéral ne peut être délégué à personne.
xLLLLa mission du médecin est d’être au côté de la personne dont la vie se trouve bouleversée par l’irruption de la maladie ou de l’accident . Soudain, le bien portant entre dans un univers porteur de souffrance et de mort qu’il ne connaissait pas. Toutes ses valeurs habituelles sont remises en cause : il est soudain obligé de se repenser lui-même.
Il y a peu encore d’invulnérable, il passe au statut de limité, de précaire et de mortel en sursis.
Ce passage difficile est une des missions irremplaçables du médecin de famille, qui demande beaucoup de temps, beaucoup de disponibilité et beaucoup de capacité d’écouter l’autre.
Ce n’est qu’une fois que cet accompagnement personnel s’est mis en place, permettant au médecin de confirmer et d’approfondir son diagnostic qu’il va pouvoir parler de façon pertinente.
xLLLIl n’y a pas si longtemps que cela, la faculté de médecine de Paris apprenait aux carabins la pharmacologie. L’un des exercices - redouté - de travaux pratiques consistait, sans empoisonner le malade, en la rédaction d’une << prescription magistrale >>. Comprenez une ordonnance dans laquelle le médecin écrivait lui-même la composition et les modes d’administration des médicaments que le pharmacien était chargé de fabriquer << sur mesure >>. Témoin d’un temps où l’industrie pharmaceutique était encore discrète.
La rédaction de l’ordonnance commençait rituellement par : Je conseille. Souvenons-nous en juste pour mesurer la force et la responsabilité énorme de celui que sa fonction amène à être un conseiller écouté.
Apprenons à nous méfier comme de la peste de tous les dogmatismes du moment, de toutes les propagandes d’où qu’elles viennent, de tous les discours convenus, des données statistiques appliquées sauvagement à la personne que nous avons en face de nous, des programmes tout faits de prévention de masse et de leur tamtam médiatique.
Conseiller ces patients que nous connaissons intimement bien plus que tous les autres demeure un acte médical particulièrement délicat et subtil, tant le sens que prennent les mots est différent et variable de l’un à l’autre.
Je le dis, avec beaucoup d’autres, sans aucun fard. Un vrai médecin pour faire un vrai travail clinique, dont une vraie prévention individuelle est un aspect majeur, n’a besoin d’aucun perroquet, d’aucune fausse aide, pour parler à sa place. Il a besoin d’une vraie formation personnalisée, jamais achevée tout au long de sa vie et surtout que personne, sous aucun prétexte, ne lui vole une minute pour des tâches administratives et réglementaires sur le temps qui est dû à chaque patient.
Le temps du médecin, bien plus que le stupide nombre d’actes, sorte de prime au travail bâclé, doit lui être rémunéré correctement pour que le trop traditionnel : << j’ai pas le temps de parler avec les patients >> disparaisse enfin de notre paysage des soins.
Notre Charte d’Hippocrate est consultable à la page
http://www.exmed.org/archives08/circu532.html
Cette lettre en illustre l’article 81
- Mon objectif prioritaire sera de rétablir et de préserver la santé physique et psychique des hommes sur le plan individuel et collectif .
Cet objectif prendra en compte le contexte de l’environnement professionnel tout en respectant celui du patient, et du vivant dans son ensemble.
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