CLAPOTIS
La tempête d'Archimède

29 août 2011
Jacques Grieu
lui écrire

 


L'eau sera, nous dit-on, le pétrole à l'avenir.
Comme je la vénère, on va donc s'en réjouir.
Certains individus, ne prennent que des douches.
Mes bains de sybarite leur tirent fine bouche.
Enfin, des paresseux, fuient l'humidité !
Pour ma part, la baignoire, est ma félicité,
Là où tout est beauté et calme volupté.
L'extase savonneuse est ma finalité.
Mon vieil ami Etienne a beau me mettre en garde :
Ça fatiguerait le cœur pour peu qu'on s'y attarde.

Mais si on a un cœur, c'est bien fait pour servir !
Ni bridge ni échecs ne sauraient convenir,
Ni remplacer le golf ou du corps la culture,
Non plus les coups de foudre, ou bien les courbatures !
Etienne est ignorant : c'est qu'il est … médecin !
Il a donc des excuses, il est même chirurgien.
Mes rêveries subtiles , il n'y peut rien entendre ;
Déjà que pour moi-même, il me faut me comprendre …
Je barbote, yeux fermés, écoutant Debussy,
Dont les Nuées et la Mer, m'ôtent tous mes soucis.

A la pendule étanche en ma salle de bains,
Il est juste neuf heures . on rêve alexandrins …
Le bain, à Archimède, est la pomme à Newton,
Le microbe à Pasteur ou la faute à personne.
C'est la tenue d'Adam ? La tiédeur ? L'immersion ?
Macérer, tend l'esprit vers de hautes questions,
Celles qui nous tourmentent avec la nuit des temps,
Avant même Aristote, Kierkegaard ou Mitterrand …

Archimède avait dit : Tout corps en perdition,
Plongé dans un liquide, obtient satisfaction.
Je cherche le savon, noyé dans les grands fonds,
Les algues et les dauphins, les crabes et espadons …
Dans mon dos, ça chatouille : bigorneau ou méduse ?
Une étoile de mer qui peut-être s'amuse ?
Température ? Ambiante ! Je n'ai nul thermomètre !
Pas plus que d'hygromètre. Ni surtout d'altimètre,
Qui pourrait me fixer sur mes hauteurs de vue.
De même, un marémètre eut été bienvenu
Pour savoir si la mer n'est pas en plein jusant ;
Se retrouver au sec serait réfrigérant …
Me contempler échoué au milieu de l'estran,
Aurait été un drame aux effets térébrants.
Je perds mon manomètre et c'est un vrai supplice :
Comment, des profondeurs, mesurer les abysses ?

Sur le cadran tout rond : c'est neuf heures et vingt six !
Des longueurs de baignoire, en ai-je bien fait dix ?
Je hais cette pendule avec son cadran noir,
Dont les rouges aiguilles ont des airs vexatoires.
Hygromètrie ? Allons ! … quatre vingt trois pour cent !
Il faut bien se … mouiller même si c'est suintant.
Combien de purs génies, aux bains ont trouvé l'or !
Archimède disait  : tout liquide, en un corps,
Plongé de haut en bas … Son Grand Principe est là…
Quand on voit que sans bain, c'était l'anonymat !

Petit rajout d'eau chaude, exactement dosé,
Pour l'idéale extase, avec soin installer.
Le confort optimum est affaire technique,
Et ne peut s'acquérir qu'avec longue pratique.
Je suis sûr qu'Archimède était bien dans les doses,
Et que ses robinets, maniés en virtuose,
Se réglaient par esclaves agitant leurs potions,
Et criant « eureka ! » , lors de ses inventions.
Moi, moderne Rousseau, je médite et m'affaire
Lisant les Rêveries du Baigneur Solitaire.

Dix heures moins dix minutes à la toquante affreuse
Qui malgré les embruns, reste étanche et baveuse.
Le temps va se gâter. Sans aucun baromètre,
Ce léger zéphyr d'ouest, me fait vous le promettre.
Quelle drogue est le bain ! La détente idéale !
Car y philosopher est ma manie vitale.
Mais si c'était aussi, au fond de sa baignoire,
Que notre grand Einstein, de cet observatoire,
Relativisait tant qu'il en fit « mc2 » ,
Tout en faisant la planche en ce clapot moelleux ?
Einstein, grand séducteur, cela dit en passant,
Enjôlait bien ces dames , son équation montrant …
Ma serviette accrochée, parait flotter un peu :
La tramontane arrive ; mais rien de très nuageux.
Sans craindre aucun requin, je peux me rendormir,
En rêvant de Platon dont les pensées m'inspirent.

Dix heures et un grand quart :  pourquoi comme une offrande,
Veut-elle donner le temps que nul ne lui demande,
Cette montre énervante ? Elle tue ma quiétude 
Et du monde détruit les grandes certitudes.
Hygromètrie  ambiante ? Il faut que je me lance :
Je maintiens cent pour cent, avec munificence.
Température en eau : suis perplexe, en arrêt :
Car soudain, la mer monte ; une grande marée ?
Je vais rentrer au port, aisément, vent en poupe.
Tribord-amure, au largue, en barrant ma chaloupe.
Mais que vois-je à bâbord, à trois heures à mon vent ?
Serait-ce un gros iceberg, une épave, un chaland ?
Non, ce n'est que la digue, et le port et le quai !
J'aurais pu avoir peur !
Pourtant ne fut qu'inquiet.

Il est moins vingt d'onze heures. Hygromètrie ? énorme !
Le vent va forcissant : vingt cinq nœuds … quelle forme !
Le baromètre baisse, à coup d'hecto-pascals,
Attention aux serviettes au plus fort des rafales …
Et ce savon obtus qui, perdu corps et biens,
Refuse un renflouement et joue les sous-marins !
Mon instinct de marin, une tempête annonce …
D'ailleurs, la marée monte en guise de semonce.
Ça va gîter très fort, restez bien vigilants ;
Mais je tiens bon la barre, et réciproquement.
Va falloir prendre un ris, comme disait Gallieni
Aux taxis de la Marne légèrement ébaubis…
Comment, aux temps jadis, faisait-on sans baignoires ?
Etait-ce indécent ou superfétatoire ?
Le bain, chez nos anciens, n'était que pour palaces ;
A Louis XV, la baignoire était une à trois places …
Les Jacob-Delafon, on n'en trouvait pas tant ;
Chacun, dans son baquet trempait trois fois par an.

Onze heures onze : chiffre louche. C'est une dépression.
Au diable la déprime, à bas les prédictions !
Hygrométrie : à cent  ! A cent deux, tout explose ;
Température en baisse : au rhume, je m'expose.
Chacun regarde ailleurs dès que la mer se forme ;
Même dans la marine, on ne trouve plus d'homme !
A force neuf Beaufort, c'est là qu'on voit les durs,
Mais quand on frôle onze, il n'y a que les purs.

Il est midi moins dix ! Et je me liquéfie.
Je fonds, je suis fondu, je sors, je suis sorti,
Mais l'effort, surhumain, me laisse anéanti
Rescapé, sur la rive, allongé, je frémis

Midi pile : et tant pis. ! Ne vois nul ours blanc.
La banquise est tranquille : huit phoques innocents …
Je m'essuie, évalue, et puis sans préambule,
Jette vers les grands fonds cette affreuse pendule.

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Retrouver la confiance

 

Restaurer la conscience

 

Renforcer la compétence


Os court : « Tout corps plongé dans une baignoire reçoit un coup de téléphone.»
Francis Blanche
Cette lettre illustre notre Charte d'Hippocrate.
Lien : http://www.exmed.org/archives08/circu532.html

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